Le Colombier

Automne social sur Cholet



Mouvement "Bloquons tout", mobilisations de l'intersyndicale ou rassemblements pour la Palestine : de septembre à octobre, la France connaît une nouvelle vague de contestations populaires. Réactions face au vote du budget de l'Etat et revendications sociales secouent le pays. Et Cholet (49) suit la barque sur ces remous nationaux. Retour sur cet automne militant : comment s'incarne-t-il dans une ville moyenne de province ?


10 septembre. Sous le ciel gris choletais et une pluie ponctuelle, on tente de tout bloquer. Enfin, à l'échelle du militantisme choletais. À 4h30 du matin, ils étaient une quinzaine d’abord au parc industriel du Cormier. Vers 11h, sur la route de l'hôpital, ils étaient environ 150. La police encadre le cortège de manifestants. Deux ou trois familles, beaucoup de cinquantenaires aussi. Derrière, un tracteur de la confédération paysanne les suit, puis quelques voitures et camionnettes donnant le rythme à coup de klaxons. Enfin, toute une file de voitures roulant au pas, bloquée par le cortège, tentant tant bien que mal de regagner la ville.

Manifestation contre la reforme des retraites, Cholet


Parmi les jeunes engagés, deux filles viennent du lycée public Renaudeau et un garçon du lycée Europe. Pourquoi eux, au milieu d’une jeunesse choletaise ne se mobilisant pas ? Des parents engagés, d’abord. Le rôle des réseaux sociaux aussi, avec une présence des personnalités de LFI par exemple. Mais le manque de mobilisation de la jeunesse n’est pas le seul dû d’un défaut de volonté. A Renaudeau, les deux jeunes militantes ont bien tenté de créer un syndicat lycéen : au-delà du nombre restreint de motivés, elles ont surtout fait face à un blocage net de l’administration. Quant aux élèves d’Europe, ils seraient “dans la théorie mais pas dans la pratique”, portant une contestation partagée mais bien passive. Encore moins organisée.


Le cortège gagne finalement la mairie. Les militants discutent en groupes, puis tous ensemble. Tout cela se déroule sous le regard des policiers, tranquilles, s’assurant que personne n’entrave l’accès aux locaux municipaux. En comparaison, à 8h à Nantes, les forces de l’ordre usaient déjà du gaz lacrymogène contre les manifestants. Sur Cholet, le mouvement “Bloquons tout” rentre dans la même dynamique que les précédentes mobilisations sociales, où une certaine complaisance des autorités répond à une modération des manifestants. Il s’agit alors presque d’un jeu avec les autorités, au milieu duquel l’on peut voir un policier du renseignement tenter de sympathiser avec les têtes habituelles des activistes de la région.


Des propositions sont lancées pour les futures actions. Une dame s’avance. Au nom de la liberté de chacun, elle propose de substituer le blocage d’accès aux commerces par une réduction personnelle de la consommation. Les plus radicaux sourient, surtout de consternation. On finit par se fixer un rendez-vous, poussés par les plus aguerris : blocage du rond-point du Carrefour le samedi 13.


13 septembre. Sur la centaine de manifestants présents le 10, une vingtaine est venue ce samedi. La police, quant à elle, n’a pas manqué le rendez-vous. Le rapport de force sert de dur rappel : il n'est pas bon d'être trop ambitieux pour le militantisme choletais. L’action, vue à la baisse, se décline alors en tracts et en pancartes.


18 septembre. Le cortège partant de la place Travot est déjà plus important. De 800 à 1000 personnes. Cette fois, l’intersyndicale a appelé à la mobilisation. Les quelques cartons aux messages incisifs du 10 septembre ont laissé de la place pour la flopée des couleurs des syndicats. Le nombre de manifestants reste notable pour Cholet, bien qu’il ait été plus important dans de précédents mouvements sociaux.


2 octobre. Cette fois-ci, le soleil baigne de lumière les Halles. Un ciel immaculé pour un renouveau du mouvement social. A 10h30, ils étaient à peu près 420 à partir en cortège. La CFDT et la CGT mènent le gros de la manifestation, faisant retentir les mêmes playlists de musiques militantes. Derrière, d’autres syndicats suivent, mêlés aux drapeaux du PCF et un de Lutte Ouvrière. A l'arrière, une quarantaine de personnes, aux affiliations plus disparates, ferment la marche. Des visages plus jeunes, dont deux étudiantes collant des stickers antifascistes donnés par un autre manifestant. Le cortège descend l’avenue Gambetta. Une voiture est bloquée par la manifestation : c’est le maire, Gilles Bourdouleix. La fin du cortège s’arrête devant lui, deux militants affichent fièrement une banderole “Taxons les ultra-riches” face à lui. On finit par rejoindre place Travot, puis on passe devant le lycée Sainte-Marie où les élèves regardent passer, téléphone à la main, la file des contestataires. Enfin, retour aux Halles où on se disperse, remballant les drapeaux dans les camionnettes syndicales. Quelques-uns restent pour manger à une cantine populaire, à l’ombre du bâtiment des halles.


22 octobre. Salle de la Meilleraie. Le club de basket-ball israélien d’Hapoël Holon vient disputer un match contre Cholet Basket. Un collectif anti-facscite, nouvellement formé sur Cholet, appelle à se mobiliser contre la tenue du match. Pour la deuxième fois, la présence des forces de l’ordre est écrasante. La trentaine de manifestants découvre un nombre bien plus important de policiers. Quatre jours plus tôt, Gilles Bourdouleix condamnait les tags sur la devanture du complexe sportif dénonçant la tenue du match. Avec la municipalité, il accompagne ses propos d’un dépôt de plainte concernant les tags et les dénonciations du matchs par les groupes et les mouvements politiques de gauche. Alors, ce match, il fallait en garantir la tenue.


Évidemment, quand les syndicats structurent le mouvement social, on s'investit davantage. Mais en leur absence, apportant avec eux des travailleurs coutumiers des luttes sociales, le vide militant n’est toujours pas comblé. Désintérêt pour la politique, en particulier des jeunes, étudiants ou travailleurs, reste le mot d’ordre à Cholet. Car les rues se vident tranquillement après les débuts d’après-midi à déambuler. Et les choletais retournent vaquer à leurs occupations. On peut toujours ressentir ce spectre planer au-dessus de cette ville tranquille : s’engage-t-on en vain ? Certains n’en démordent pas. Les militants vétérans en particulier. Il y aura toujours des personnes pour s’accrocher à l'avenir de la lutte locale.